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LA FIN DE VIE FACE AU DROIT

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Date d'ajout : mardi 11 octobre 2011

par Géraldine TRIBAULT

HOSPIMEDIA, 28.09.11

La problématique de la fin de vie n’est pas uniquement corrélée à une loi
Suite à la récente actualité sur l'euthanasie, Hospimedia a souhaité faire le point sur cette problématique et, plus précisément, sur les moyens existants ou non pour les professionnels de santé lorsqu'ils sont confrontés à la fin de vie. La loi Léonetti peut-elle régler la question ?

Hospimedia : "Le sujet de l’euthanasie est récemment revenue sur le devant de la scène avec la mise en examen du docteur Bonnemaison, soupçonné d’actes d’euthanasie à l’hôpital de Bayonne. Qu’en est-il actuellement de cette question de la fin de vie en France ? Quelles attitudes les professionnels de santé doivent-ils adopter ?
Nathalie Lelièvre : En France on a cette habitude de mettre en opposition les partisans et les opposants de l’euthanasie. Pourtant, la question n’est pas là, il conviendrait mieux de rappeler le cadre juridique existant. À l’heure actuelle, une enquête nationale réalisée par l’observatoire de la fin de de vie a été mise en place pour évaluer auprès des professionnels de santé la mise en application de la loi Léonetti d’avril 2005. Parmi les premiers constats relevés, l’observatoire a noté la méconnaissance de cette loi tant par les professionnels de santé que par les patients. Les professionnels savent ce que dit la loi dans son contenu mais les notions de collégialité et de traçabilité, par exemple, qui sont fondamentales pour la prise en charge des patients en fin de vie, notamment pour la décision d’arrêt des traitements, sont complètement occultées. Et, généralement, ce qui va se produire est qu’une décision va être prise par une personne dans la plus grande des solitudes. Ce que nous a d’ailleurs démontré dernièrement l’actualité. La loi Léonetti a pourtant ce mérite d’encadrer les démarches. Et si chaque intervenant auprès d’un patient faisait l’effort de prendre le temps de se réunir autour d’une table pour exprimer ce qu’il pense de l’évolution de son état de santé, cela éviterait les situations de conflit. Il suffit parfois aussi d’expliquer le sens des soins et du traitement.
Du côté des patients, cette loi n’est pas du tout connue. Il y a eu un sondage réalisée par la Société française d’accompagnement et des soins palliatifs (SFAP) auprès du grand public sur ce sujet. Les résultats ont démontré que cette loi était plus ou moins connue de nom mais son contenu, comme les directives anticipées, non. Souvent le patient part de l’idée que, de toute façon, c’est à l’équipe médicale de décider. Alors qu’avec la collégialité, le patient est inclus ainsi que sa famille. Cela permet de leur expliquer pourquoi les traitements vont être stoppés sans pour autant que le patient soit abandonné. Il serait bien qu’un débat public soit organisé sur la question de la fin de vie et pour faire connaître la loi Léonetti, ce que prévoit l’observatoire national de la fin de vie. L’objectif n’est pas de développer uniquement l’information auprès des professionnels de santé mais passer aussi par des associations d’usagers pour former les patients en amont de l’hospitalisation car ce n’est pas une fois hospitalisé que l’on va le renseigner sur les directives anticipées. Il n’est plus en mesure d’écouter et de comprendre. C’est en tant que citoyen que le public doit être informé.

H. : Pensez-vous que la loi Léonetti suffit à elle seule à régler la problématique liée aux personnes en fin de vie?
N.L. : Je ne pense pas qu’il faille réfléchir en termes de loi. Elle n’est pas forcément nécessaire dans ce contexte. En effet, ce n’est pas la loi qui répondra à toutes les difficultés que peuvent poser la prise en charge des patients en fin de vie mais plutôt aller vers une dimension éthique en s’interrogeant sur pourquoi je fais ce soin, si je fais ce soin que va-t-il se passer, qu’est ce que je recherche, qu’est ce que je pourrais mettre en place mais surtout est-ce que cela va dans l’intérêt de mon patient. Il faut avant tout apprendre aux professionnels de santé à s’interroger sur le sens des soins, arrêter les traitements curatifs des personnes en fin de vie est un droit voire un devoir à l’heure actuelle. Je ne pense pas qu’il existe des manques dans la loi Léonetti. Ce qui fait défaut actuellement reste le manque de connaissances et d’effort de la part de certains professionnels. La loi met à disposition tous les outils pour faire face à la fin de vie. Mais il ne faut pas attendre tout de la loi car la réflexion se fera plus au niveau éthique et sera traitée au cas par cas, d’où l’insistance de dire que pour chaque patient il doit y avoir une décision collégiale ainsi qu’un processus et une évaluation de la décision de soins. Dans les faits, les traitements sont décidés en discussion entre le médecin, l’infirmière mais aussi l’aide soignante et la famille. Et lorsqu’une famille demande un acte d’euthanasie, il convient de s’interroger sur les causes de cette demande. Bien souvent elle est due à une grande souffrance. La problématique de l’euthanasie n’est pas simplement liée à la question de sa légalisation mais aux causes de ces demandes. Il faut prendre cette problématique dans sa globalité : prise en charge, professionnels de santé, administratif...

H. : Quels conseils donneriez-vous aux professionnels de santé pour éviter une situation comme celle que l’on a vu récemment dans l’actualité ? Quels sont les risques encourus ?
N.L. : Je constate, lors des formations dans lesquelles j’interviens, que beaucoup de médecins pensent qu’ils sont là pour guérir. Or leur mission reste de soigner. Ils ont du mal avec cette notion et le décès du patient est par conséquent vécu comme un échec malheureusement. Dans les situations de fin de vie, la mort arrivera à un moment donné. Il est important également que les professionnels de santé apprennent à communiquer entre eux et à écrire. La loi Léonetti insiste sur les décisions collégiales et la traçabilité, en précisant qu’une décision n’est pas figée, qu’elle peut être à tout moment réévaluée et que l’ensemble du processus doit être retranscrit dans le dossier médical. Il s’agit du principe même de la continuité des soins. L’équipe qui intervient auprès du patient n’est pas systématiquement la même, d’où l’intérêt de transmettre les décisions par écrit. Certains outils peuvent être mis en place pour faciliter la traçabilité comme introduire une fiche dans le dossier patient sur les directives que le médecin ou les infirmiers peuvent remplir. Il est nécessaire que les professionnels de santé soient aussi sensibilisés à la question de la fin de vie lors de leur formation initiale. Après, cela se fera dans le cadre de la formation continue mais à ce niveau c’est délicat. Pour éviter ces situations, il faut faire l’effort de se former et de prendre le temps de la discussion.
Au niveau des risques encourus, cela dépend de la situation et du contexte, ensuite le juré d’assise ou le tribunal correctionnel décidera. D’ailleurs, c’est en cela qu’il n’y a pas besoin de loi car il existe un cadre juridique, la loi Léonetti, qui prévoit la prise en charge des patients en fin de vie, où leur volonté doit être respectée sans pour autant provoquer son décès. En cas de manquement et à partir du moment où il y a infraction, le code Pénal s’appliquera. Pour certaines affaires, des non lieux ont été prononcés car elles impliquaient par exemple le mari en situation de souffrance. La cour d’assise a alors considéré que le vécu était suffisamment lourd pour rajouter une peine. Il faut ensuite, je crois, faire confiance à la justice qui est là pour rappeler le cadre légal."

Nathalie Lelièvre, diplômée d'un DESS en droit de la santé, est juriste en droit de la santé. Elle est également membre de la commission éthique et douleur. Elle vient de sortir, aux éditions Heures de France, un ouvrage intitulé La fin de vie face au droit dans la collection Guide d'exercice professionnel des établissements sanitaires et médico-sociaux. Elle intervient également dans différentes universités en tant que chargée de conférence.


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